Comment bien manager les générations Y et Z
Les générations se suivent et ne se ressemblent pas. Les ressorts de leur motivation sont différents. Il est donc essentiel de mieux connaître et comprendre la jeune génération pour travailler plus efficacement avec elle. Dans cet article du magazine Management, deux chefs d’entreprise donnent leur éclairage …
Manager les moins de 30 ans demande des qualités d’écoute et d’adaptation. Cela admis, travailler avec eux peut être très plaisant. C’est ce que nous confient Marianne Gosset, cofondatrice d’une start-up de déco, et Jean Giboudeaux, DG de Right Management France pour Manpower.
Marianne Gosset a lancé The Socialite Family , un site spécialisé dans la décoration et le design. Et si cette jeune pousse en plein développement a déjà recruté huit collaborateurs , seules les deux dirigeantes ont atteint la trentaine. Pour sa part, Jean Giboudeaux dirige Right Management, la marque de Manpower qui aide les grands groupes à piloter leurs ressources humaines et, notamment, à intégrer les jeunes . Tous deux ont donc une vision très précise de la place des fameuses générations Y et Z dans les entreprises et sur le marché du travail. Mais aussi des nombreux fantasmes qu’elles suscitent… Rencontre.
Management : Comment qualifieriez-vous la génération Z ?
Marianne Gosset : D’énormes clichés sont associés à cette génération, qu’on commence à voir arriver sur le marché du travail. Elle serait composée d’employés infidèles, “court termistes”, ne supportant pas la hiérarchie et zappant d’un poste à l’autre. Certaines choses sont vraies, parce que les “Z” ont grandi avec Internet et les réseaux sociaux, mais on les caricature souvent en ne voyant que leurs mauvais côtés.
Jean Giboudeaux : Il ne faut pas généraliser. La génération Z représente 16 millions de personnes en France. Or, quand on parle de ceux qui travaillent déjà, on pense à des urbains, proches de l’écosystème des start-up. On ne regarde que la petite part citadine et parisienne de la jeunesse. Mais au fin fond des régions, elle ne ressemble pas à cela.
Génération X : Il s’agit des enfants des babyboomeurs. Soit les individus nés entre 1960 et 1978.
Génération Y : Elle regroupe les moins de 40 ans (les 23-39 ans pour être précis). C’est-à-dire les gens nés entre 1978 et 1994 (13 millions de personnes).
Génération Z : Ce sont les plus jeunes, celles et ceux nés après 1994 (16 millions) et dont les plus âgés entrent aujourd’hui sur le marché du travail.
A quoi ressemble-t-elle alors ?
Marianne Gosset : Elle est ultrapositive et optimiste. Elle défend de vraies valeurs et recèle une grande richesse. Les jeunes qui arrivent sur le marché du travail sont polyvalents, très curieux. Ils recherchent des postes ou des entreprises qui leur donneront l’occasion de développer plusieurs compétences. Ils aiment le travail quand il les passionne et qu’il a du sens pour eux. Lorsqu’on a compris cela, travailler avec eux se révèle très agréable.
Jean Giboudeaux : Les générations Y et Z nous poussent à tester des choses. Chez Right Management, par exemple , c’est un garçon, arrivé il y a trois ans, qui nous a suggéré de mettre en place l’évaluation des collaborateurs à distance par vidéo. Toutes les idées liées au numérique nous sont soufflées par ces jeunes.
D’où provient le malentendu ?
Jean Giboudeaux : On dit aujourd’hui de ces nouveaux venus sur le marché du travail ce qu’on a dit de la génération Y et, avant elle, de la génération X : qu’ils veulent comprendre pourquoi ils bossent. Mais, nous aussi, nous cherchions du sens: on avait envie de travailler dans l’humanitaire, par exemple. De chaque nouvelle classe d’âge, on dit qu’elle va tout révolutionner : mais celle d’il y a trente ans était déjà porteuse d’ innovation et de dynamisme.
Comment réagissent les entreprises ?
Marianne Gosset : Elles créent des open spaces, installent desbaby-foot, font du coworking…
Jean Giboudeaux : C’est bien , mais c’est surtout du décor, ça n’est pas suffisant. Les sociétés doivent partir du principe que les jeunes vont effectuer dix ou quinze jobs au cours de leur vie professionnelle et qu’ils le savent. Il est normal de s’attendre à une certaine infidélité de leur part. Les boîtes doivent donc soigner le départ de ces collaborateurs. Et inventer pour eux des carrières beaucoup plus courtes . Aujourd’hui, la perspective de passer dix ans dans le même groupe ne fait plus vibrer. Pourtant, les entreprises ont besoin de faire place à la jeunesse si elles veulent réussir leur transformation. Sinon, elles risquent d’être remplacées par des start-up d’ici à quinze ans.
Marianne Gosset : Chez The Socialite Family, ça nous ennuie de savoir que nos collaboratrices ne vont rester que deux ou trois ans. Nous leur sommes attachées, parce qu’elles sont douées et que nous avons passé du temps à les former. Mais nous sommes conscientes que ces jeunes femmes doivent construire leur carrière par étapes. Nous faisons le maximum pour que nos recrues se sentent bien chez The Socialite Family, tout en sachant qu’elles ne resteront pas dix ans.
Marianne Gosset et Jean Giboudeaux
© Crédits – Arnaud Meyer pour Management
Comment les managez-vous ?
Marianne Gosset : Les jeunes ont besoin de participer à la vie de leur entreprise et de donner leur avis. Pour notre part, nous faisons beaucoup de brainstorming , nous organisons des réunions où nous leur laissons la parole. Cela signifie que nos employées ne vont pas toujours être d’ accord avec nos idées. En tant que patron , il vaut mieux l’accepter et admettre qu’on s’est peut-être planté plutôt que de partir du principe que ce sont elles qui ont tort. C’est nouveau et assez compliqué à faire. Pour le reste, nous les incitons à mener leurs projets de A à Z. Cette génération aime tenter et elle ne craint pas de faire des erreurs. Quand ça fonctionne, c’est génial . Et en cas d’échec, on cherche ensemble ce qui a raté et ce qui peut être amélioré. Car nous ne leur retirons pas notre confiance pour autant.
Est-ce qu’ils vous remettent en cause ?
Jean Giboudeaux : Bien sûr. Les moins de 30 ans n’hésitent pas à pousser la porte de mon bureau et à me bousculer, parfois sans y mettre les formes : je suis nul, je n’ai rien compris, etc. Ca surprend! Certes, ils râlent, mais toujours dans une optique constructive. Ils sont tellement engagés qu’ils ne supportent pas quand les choses ne vont pas assez vite.
Marianne Gosset : Cela dit, ils ne remettent pas en question l’autorité. Si on leur montre qu’on est légitime et qu’on est transparent sur les objectifs, ils suivent sans renâcler.
On entend aussi dire que ces jeunes ne s’intéressent pas à l’argent…
Marianne Gosset : Oui, je l’ai lu, mais je crois que c’est faux. Ils ne sont pas du tout désintéressés.
Jean Giboudeaux : Le premier élément pour attirer des jeunes dans une entreprise demeure le salaire. Il constitue même l’attrait principal pour 39% d’entre eux, selon une étude de BNP-Paribas. Après viennent les possibilités de voyager, le plaisir, l’acquisition de savoirs, la variété des tâches… Ils sont comme tout le monde : ils ont besoin d’argent.
Propos recueillis par Sébastien Pierrot
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