6 étapes pour transformer un groupe de travail en équipe
La récente victoire des Bleus en Coupe Davis nous rappelle l’incroyable potentiel d’une équipe lorsqu’elle est soudée. Comment transformer un groupe d’individus en équipe ? Ce extrait d’article du magazine “CAPITAL avec Management” résume les 6 étapes-clés de la cohésion.
C’est le défi de tout manager, et cela passe par une vision collective, une confiance réciproque et des règles claires. Vous pensez qu’il suffit de réunir des personnes à la fois compétentes et complémentaires pour former une équipe ? Pas si simple ! D’autant plus qu’un manager ne choisit pas toujours ses collaborateurs et qu’il doit souvent composer avec des personnes déjà en place. Patricia Trinquand, responsable du pôle marketing et communication opérationnelle à l’UCPA, a ainsi hérité en arrivant de trois équipes aux métiers bien distincts, le marketing, la communication externe et l’agence interne.
«Pour créer le pôle, il a fallu abattre les murs, explique-t-elle, c’est-à-dire mieux faire comprendre à chacun le métier de l’autre et l’intérêt de développer des synergies. J’ai demandé aux collaborateurs de se réunir, de bâtir ensemble des plans de communication très complets et de penser à 360 degrés… Petit à petit, j’ai agrandi l’équipe en recrutant à l’extérieur des profils très différents, en particulier un “community manager”, pour que chacun joue à fond la carte des réseaux sociaux. Aujourd’hui, nous sommes vraiment soudés. Il nous arrive même de partir ensemble en vacances… à l’UCPA !» se réjouit-elle. Comme dans le sport, pour former une vraie équipe, il faut un bon «manager-coach», mais aussi de la méthode. Quel que soit le contexte, les étapes à franchir sont toujours les mêmes. A vos marques, prêts ? Coachez.
Fédérez votre équipe autour d’un projet commun
Avant toute chose, les membres de votre équipe ont besoin d’avoir une vision commune, un projet bien défini qui a du sens et qui permet à chacun de s’impliquer. Il s’agira, par exemple, de lancer un nouveau produit, d’actualiser le système d’information ou encore de devenir leader sur son marché. Dans un premier temps, préparez une ou deux phrases qui synthétisent la «mission à acccomplir». Explicitez-les à vos collaborateurs. Mieux encore, proposez-leur d’y réfléchir ensemble, ils se sentiront ainsi plus engagés. Mais n’allez pas trop vite vers les moyens et les objectifs spécifiques de chacun : à ce stade, la priorité est de fédérer l’équipe et de faire en sorte que chacun soit fier d’y appartenir.
Appuyez-vous sur les trois piliers fondamentaux de la motivation : l’intérêt pour le travail, la reconnaissance et l’autonomie… Ils sont bien plus importants qu’on ne l’imagine ! «Au-delà du salaire et des conditions de travail, chacun désire faire partager son expérience, être reconnu dans sa fonction, s’engager et faire de son mieux, rappelle Didier Kahn. C’est la vision “optimiste” ou “Y” de l’individu, qui s’oppose à la vision “X” fondée sur l’autorité, largement dépassée. Nous partageons tous les mêmes besoins, définis dans la fameuse pyramide de Maslow : sécurité, appartenance, reconnaissance et accomplissement.»
Construisez la confiance et la cohésion du groupe
Une fois la question de l’objectif et du sens posée, il faut apprendre à se connaître pour bien travailler ensemble. N’hésitez pas à consacrer du temps à cette étape fondamentale. «Lors de tous mes stages de formation, au lieu d’effectuer un tour de table classique, je prévois toujours une étape informelle destinée à briser la glace, témoigne Isabelle Avril, formatrice en développement personnel pour la Cegos. Je demande aux participants de se lever, de marcher dans la pièce et de se regarder en se croisant, puis de faire la connaissance d’un maximum de personnes en vingt minutes. Pour cela, je leur propose de se présenter en racontant une anecdote sur leur prénom ou de répondre à des questions originales… Un lien de coopération positive se crée ainsi beaucoup plus rapidement, et l’ambiance et l’efficacité s’en ressentent tout au long du stage. Il y a plus de synergie, de motivation et d’écoute dans les ateliers. Chacun a envie de bien faire pour lui-même et pour les autres.»
Pour Alain Duluc, consultant, coach et manager du département développement personnel à la Cegos, cette étape d’«inclusion» ou de «fusion» est essentielle dans n’importe quel groupe. «C’est un préalable indispensable pour que chacun puisse trouver sa place, la prenne et s’affirme tout en acceptant de partager le pouvoir avec les autres», précise-t-il. Stephen Covey ne dit pas autre chose quand il écrit, dans son livre «Le Pouvoir de la confiance» (Editions First) : «La confiance en soi et en son entourage – relations proches, organisation, marché, société – est à la base de la réussite.»
Investir dans un séminaire de «team building», lorsque c’est possible, permet souvent de gagner du temps dans le processus de cohésion d’équipe : passer quelques jours ensemble hors du contexte professionnel, rien de tel pour créer du lien ! Nicolas Gilg, responsable pendant cinq ans d’un projet de développement pour un grand groupe pétrolier en Afrique, qui a mobilisé 2 500 personnes, en sait quelque chose. «Mes équipes directes regroupaient 240 personnes de 30 nationalités différentes, les trois quarts venues d’Afrique, le reste de France et d’ailleurs. Chaque année, nous organisions un séminaire de trois jours pour une centaine de personnes, réunies par métiers, avec une partie professionnelle et une partie “team building”. Celle-ci comprenait des jeux de rôle simulant des situations de travail. Il en résultait beaucoup d’humour et de bonne humeur. De retour dans leur environnement professionnel, les participants n’hésitaient plus à décrocher leur téléphone pour communiquer avec un collègue.»
Clarifiez les objectifs et les responsabilités
Un fois que la glace est brisée, il s’agit de préciser les objectifs, le rôle et les responsabilités de chacun, de transmettre des directives claires et de fixer les règles du jeu. «Pour mobiliser les membres de l’équipe, il faut déterminer et partager des buts “smart” : spécifiques, mesurables, ambitieux, réalistes et temporels. S’ils sont “smarter”, c’est-à-dire “exciting” (enthousiasmants) et “recorded” (formalisés), c’est encore mieux», souligne Pierre Finkielstein, consultant pour Acumen en France.
Les règles du jeu portent sur les tâches à accomplir, les délais, les procédures à respecter, les rôles de chacun et les propres méthodes de travail du manager. «Ces règles peuvent être définies par l’organisation, le manager seul ou, pour certaines, par consensus avec l’équipe afin de favoriser l’adhésion, résume Didier Kahn. Elles doivent être claires. Ne pas les suivre entraînera des sanctions qui doivent être les mêmes pour tous. Il est important que le manager sache équilibrer le lien et la loi, c’est-à-dire à la fois mettre de l’humain et exiger des résultats.»
Patricia Trinquand, dont l’équipe de 23 personnes appartient peu ou prou à la «génération Y» des 18-30 ans, donne beaucoup d’autonomie à ses jeunes collaborateurs, mais dans un cadre bien délimité : «Ils ont du mal avec une hiérarchie classique ! Je suis beaucoup dans l’échange, dans une relation d’adulte à adulte, mais parfois il faut savoir dire non et rappeler qui est la patronne ! Le fait d’avoir 20 à 25 ans de plus qu’eux et deux ados à la maison m’aide à trouver le bon équilibre.»
Une équipe peut-elle fonctionner sans chef ? «Non, si elle doit produire un résultat commun, répond Didier Kahn. Dans un groupe de travail entre pairs, par exemple entre coachs, on pourrait se passer d’un chef sur le fond, mais il faut au minimum que quelqu’un décide sur la forme (timing, étapes…). Et, en pratique, il y a toujours un leader qui émerge. Cela dit, le niveau d’autonomie au sein d’une équipe est parfois très important, comme pour ces gérants d’un groupe d’hôtels dont le directeur général fixe les grands objectifs et se contente de manager “de loin” tout en jouant au golf et au bridge.»
Favorisez le dialogue et la communication
Une fois l’équipe sur les rails, entretenir un échange constructif suppose une implication dans la durée. Organisez des réunions à intervalles réguliers, si possible en «live» plutôt que par visioconférence, utilisez tous les moyens pour partager l’information, montrez-vous accessible et disponible, encouragez une communication sincère, créez des moments de convivialité, de complicité, de rire… et accordez le droit à l’erreur à vos collaborateurs.
Jean-Pierre Braun, vice-président software integration chez Alcatel-Lucent, encadre des milliers de personnes à travers le monde.
Les séminaires de plusieurs centaines de personnes ne sont plus de mise. «Aujourd’hui, ils se limitent à des équipes de dix à quinze personnes, une fois par an, pendant deux à trois jours, indique Jean-Pierre Braun. Une enquête auprès du personnel nous a cependant révélé qu’il y avait des attentes importantes en matière de communication. Nous avons donc mis en place de nombreuses actions : vidéoconférences, webcasts, échanges d’expérience transverses entre personnes du terrain via nos réseaux sociaux internes… Par ailleurs, avec mon équipe de 15 managers répartis sur les cinq continents, j’organise un “staff meeting” hebdomadaire par visioconférence. Depuis que je leur ai proposé de préparer l’agenda à tour de rôle, tout le monde se sent plus concerné et la différence en termes d’efficacité est énorme.»
Pour créer du lien à distance, il suffit parfois d’un petit rien : organiser une visioconférence pour mettre des visages sur les noms, créer un organigramme avec des photos, animer des forums de discussion en ligne… Bien sûr, le contact direct est idéal ! «La porte de mon bureau n’est pas toujours ouverte, mais j’essaie autant que faire se peut de garder du temps pour les rendez-vous informels, indique Nicolas Gilg, aujourd’hui responsable de développement au siège de Total. Me rendre disponible améliore la confiance à tous les niveaux.»
Célébrez les succès avec l’équipe au grand complet
Le nouveau site Internet vient d’être mis en ligne, vous avez atteint ou dépassé l’objectif de chiffre d’affaires de l’année ? Félicitez individuellement chacun de vos collaborateurs, en face à face, au téléphone ou par écrit, communiquez dans le journal interne ou l’Intranet… Organisez un pot au bureau ou invitez toute l’équipe à dîner. Vous pouvez aussi attribuer une prime, lors d’un séminaire d’équipe. Qu’importe le lieu : ce qui compte, c’est de se retrouver hors des murs de l’entreprise pour partager des moments de convivialité. Sachez aussi fêter les résultats intermédiaires, pour entretenir la cohésion et la motivation de l’équipe.
Transformez les difficultés en autant d’occasions de progrès
Crise économique, baisse de résultats, restructurations, ou changements en tout genre, désaccords ou conflits entre personnes… la vie des entreprises s’apparente davantage à un parcours d’obstacles qu’à un long fleuve tranquille ! La capacité à les franchir avec brio serait même un des indicateurs de bonne santé d’une équipe, selon Jean-Pierre Braun. «On peut parler de “vraie équipe” à partir du moment où ses membres sont à l’aise avec les dissensions et capables d’en discuter ouvertement pour trouver des solutions.»
De temps en temps, le manager est obligé d’intervenir et d’arbitrer un conflit entre deux personnes. «Cela demande beaucoup d’habileté et d’énergie, mais attaquer le problème de front est incontournable, affirme Patricia Trinquand. Lorsque deux individus qui partagent le même bureau refusent de se parler, cela peut pourrir l’ambiance générale.» Certaines situations nécessitent un coaching d’équipe pour améliorer les processus de fonctionnement ou résoudre un conflit.
«Cet accompagnement dans le temps dure de quelques mois à plus d’un an, avec en général des interventions mensuelles d’un coach extérieur à l’entreprise lors des réunions normales de l’équipe, raconte Didier Kahn. Je me positionne alors surtout en observateur, mais je n’hésite pas à intervenir pendant la réunion ou en dehors si cela s’avère nécessaire.» Parfois, le manager-coach a besoin d’être coaché… Une démarche individuelle au service du collectif.
Isabelle Gonse
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